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- Arrêt du Tribunal du 9 septembre 2020, affaires jointes T-401/16 et T-443/16, ECLI:EU:T:2020:409
Arrêt du Tribunal du 9 septembre 2020, affaires jointes T-401/16 et T-443/16, ECLI:EU:T:2020:409
avril 2, 2021 11:26- Faits
Le royaume d’Espagne (T-401/16) et la république d’Italie (T-443/16) ont introduit un recours en annulation contre l’avis des concours généraux publié au JO par l’ESPO le 26 mai 2016, pour la constitution de listes de réserve d’enquêteurs et de chefs d’équipes d’enquêteurs destinés à être recrutés par la Commission, « essentiellement l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) » (EPSO/AD/323/16 et EPSO/AD/324/16).
Les exigences linguistiques étaient les suivantes :
Langue 1 du concours : niveau C1 dans une des 24 langues officielles de l’UE.
Langue 2 du concours : niveau B2 minimum en anglais, français ou allemand.
L’acte de candidature devait être rempli en allemand, en anglais ou en français.
Dans l’avis attaqué, trois motifs étaient invoqués afin de justifier la limitation du choix de la « langue 2 » : la nécessité de disposer de lauréats immédiatement opérationnels, la nature de la procédure de sélection ainsi que les contraintes budgétaires et opérationnelles.
Le Tribunal de l’Union européenne a annulé l’avis attaqué dans son ensemble.
- Arrêt du Tribunal
Le Tribunal va scinder son raisonnement en deux parties.
Dans la première partie, la juridiction de l’Union aborde la question de la légalité de la limitation du choix pour les candidats, en ce qui concerne la deuxième langue du concours, à l’allemand, l’anglais et au français.
Selon l’Italie et l’Espagne, une telle limitation est constitutive d’une discrimination fondée sur la langue. L’Espagneargue que le caractère arbitraire de la différence de traitement est d’autant plus manifeste que la seule langue réellement nécessaire dans le domaine dans lequel les lauréats des concours en cause seraient appelés à travailler est l’anglais. En outre, les parties requérantes soutiennent que les motifs exposés dans l’avis attaqué ne correspondent pas à des objectifs légitimes susceptibles de justifier la limitation litigieuse.
La Commission conteste cet argument. Spécifiquement, en réponse à l’argument selon lequel l’anglais serait réellement nécessaire pour travailler à l’OLAF, l’institution européenne allègue qu’il aurait pour effet paradoxal d’autoriser une limitation de la deuxième langue des concours en cause à une langue unique et d’exclure une limitation plus large aux trois langues les plus utilisées dans ce service. En tout état de cause, cette limitation serait justifiée vu que l’anglais, le français et l’allemand sont des langues véhiculaires au sein de la l’OLAF.
Le Tribunal statue dans le sens d’une discrimination fondée sur la langue. Le Tribunal développe une argumentation analogue à celle développée dans son arrêt T-437/16 (voir le résumé de cet autre arrêt). Ainsi, après avoir rejeté les moyens soulevés par la Commission relatifs aux contraintes budgétaires et opérationnelles ainsi qu’à la spécificité des épreuves du centre d’évaluation, le Tribunal examine les éléments produits par l’institution en vue d’étayer le motif tiré de la nécessité que les personnes nouvellement recrutées soient immédiatement opérationnelles. En l’occurrence, le Tribunal n’a pas été convaincu par les éléments produits pas la Commission visant à établir que les langues précitées occupent une place prépondérante aussi bien au sein de ses services qu’au sein des services de l’OLAF ainsi que, plus globalement en Europe, en ce qu’elles seraient les trois langues étrangères les plus étudiées et connues dans les États membres.
En ce sens, l’arrêt du Tribunal tend plutôt à renforcer le multilinguisme en ce qu’il établit que la limitation du choix de la « langue 2 » à trois langues n’est pas justifiée.
Concernant l’anglais, les parties requérantes considèrent qu’il s’agit de la seule langue dont la maitrise se révèle essentielle pour l’exercice des fonctions en cause. La Commission aussi estime que la prépondérance de l’anglais est manifeste.
Le Tribunal reconnait que seule une connaissance satisfaisante de l’anglais pourrait être considérée comme conférant un avantage aux lauréats potentiels des concours en cause. Or, « une limitation du choix de la deuxième langue des candidats à un concours à un nombre restreint de langues officielles ne saurait être considérée comme objectivement justifiée et proportionnée lorsque figurent, parmi ces langues, outre une langue dont la connaissance est souhaitable voire nécessaire, d’autres langues qui ne confèrent aucun avantage particulier aux lauréats potentiels d’un concours par rapport à une autre langue officielle. En effet, s’il est admis, comme alternative à la seule langue dont la connaissance constitue un avantage pour un fonctionnaire nouvellement recruté, d’autres langues dont la connaissance ne constitue pas un atout, il n’existe aucune raison valable de ne pas admettre également toutes les autres langues officielles » (point 181).
En l’espèce, la Commission n’est pas parvenue à démontrer que la connaissance de l’allemand et le français confère un atout aux lauréats potentiels, face à d’autres langues officielles de l’UE.
Ce passage de l’arrêt du Tribunal pourrait être interprété de deux manières : dans un sens il renforce le multilinguismeau détriment du français et de l’allemand ; dans l’autre, il renforce l’unilinguisme anglais.
A noter, toutefois, que le Tribunal ajoute qu’il « n’est pas exclu que l’intérêt du service puisse justifier la limitation du choix de la deuxième langue d’un concours, y compris de la ou des langues de communication entre les candidats et l’EPSO, à un nombre restreint de langues officielles dont la connaissance est la plus répandue dans l’Union, une telle limitation doit néanmoins impérativement reposer sur des éléments objectivement vérifiables, tant par les candidats au concours que par les juridictions de l’Union, de nature à justifier les connaissances linguistiques exigées, qui doivent être proportionnées aux besoins réels du service » (point 226). Ce faisant le Tribunal offre à la Commission des éléments lui permettant d’éventuellement modifier le régime linguistique futur afin de valider le trilinguisme voire valider l’unilinguisme anglais ou le bilinguisme anglais/français.
Dans la seconde partie de son arrêt, le Tribunal de l’UE va examiner les dispositions de l’avis attaqué relatives aux langues pouvant être utilisées dans les échanges entre les candidats à ces concours et l’EPSO. Par un raisonnement analogue à l’arrêt T-437/16, le Tribunal constate l’existence d’une discrimination non justifiée.
- Suite de la procédure
La Commission a introduit un pourvoi contre cet arrêt en invoquant principalement la dénaturation dans l’appréciation des éléments de preuve.
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Cet article a été écrit par gemplus
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